Suite au plantage technique du blog précédent, Myskeuds vous proposera à rythme régulier les chroniques proposées précédemment, via ces Discomaniac Files.
Comme 2018 s’achève tranquillement, c’est le moment de relire les chroniques publiées par Discomaniac durant les 5 premiers mois de l’année.
Bonne lecture !
Discomaniac Files #2018 :
Human touch – Daniel Romano (country) / Nerveless – Daniel Romano (country)
Un chanteur qui publie deux albums en même temps. Un chanteur qui intitule l’un de ces albums Human touch. Voilà une double coïncidence qui ne peut que titiller le fan springsteenien auteur de ces lignes. Mais autant le dire, la comparaison s’arrête pratiquement ici. Pratiquement parce que l’ombre du Boss plane malgré tout, de ci, de là, sur ces deux disques. Deux albums, donc, plutôt qu’un double.Deux albums, deux faces d’un même travail. Human touch, débutons par celui-ci, est un disque contemplatif. Il pourrait servir de BO à un film de Wes Anderson. En imaginant le réalisateur se mettre au western modern psychédélique (et on l’imagine très bien, du reste). Si la country est le genre musical auquel appartient Daniel Romano, la musique psychédélique et le folk ne sont jamais loin, notamment dans le traitement des voix, qui deviennent parfois fantomatiques, pour mieux appuyer les textes. Les chansons de Human touch sont pratiquement toutes interprétées en voix double homme/femme, pour un résultat qui rappelle aussi par moments The Mamas & Papas, et cette scène hippie.
Nerveless, de son côté, s’oriente vers une face plus dynamique (rock ?) du travail de ce jeune Canadien bourré de talent ! Et là, on s’aventure plus sur les terres d’un Ryan Adams, voire plus loin sur le côté décalé du Sean Lennon de Friendly Fires ou du travail plus général de Eels. Les deux disques peuvent s’écouter séparément, ou en un seul ensemble en mode random, ce qui les rend d’autant plus riches !
Criminal – The Soft Moon (indus)
Dans la lignée de Wire, Nine Inch Nails ou A Place To Bury Strangers depuis ses débuts, Luis Vasquez, alias The Soft Moon (pour la partie studio, puisque sur scène, c’est un groupe complet) poursuit son exploration sonore.\r\nEt ce 4e album confirme le talent du bonhomme. Criminal, ce sont dix titres bruitistes, vénéneux, et accrocheurs au possible ! Burn, en ouverture, martèle comme du NIN, là où Give something s’enfonce dans un paradis artificiel entre noir et couleurs kaléidoscopiques. The pain, pour sa part, sonne comme une chanson de Cults remixée pour sonner goth/indus.\r\nEn parlant de remix, l’album précédent, Deeper, avait fait l’objet de nombreux remixes lui offrant bon nombre d’ouvertures sonores. On espère la même chose pour Criminal !
After Hours – The Sufis (pop)
Freak Power, les Beatles, les Who, Velvet Underground (la dernière chanson de l’album, Take care of yourself est une douce et jolie repompe de Sunday Morning de Lou Reed &co), ce nouvel album des Sufis a tout d’un bijou pop ! Voire brit pop. Une légèreté, un détachement du chant sur les premiers titres (After Hours, Made meleave/ Crispy graves II), une forme de morgue mêlée d’un spleen dandy qui rendent cet album tranché : soit on aime, soit on aime pas. Ici, ce n’est pas le genre de disque qui va laisser des avis mitigés. Et ici, on adore. Simplement. Il y a dans ce disque tant d’influences différentes, mais si bien mises en cohérence que After Hours possède une personnalité plus qu’affirmée. Et toujours cette recherche de la virgule sonore qui-va-bien dans les arrangements. Le groupe signe ici son troisième album, se revendiquant du minimalisme velvetien, d’ailleurs. Et ce duo anglo-américain n’a pas trouvé mieux (comment trouver mieux, du reste) que de travailler avec le génie de la musique contemporaine LaMonte Young en amont d’After Hours. Certains albums naissent avec une classe innée. After Hours en fait définitivement partie !
No cross, no crown – Corrosion of Conformity (metal)
Corrosion Of Conformity (COC, pour les fans), est l’exemple du groupe qui a toujours su faire ce qu’il voulait. Heavy, trash, psyché, hardcore un temps, mais toujours au service de la lourdeur du son ! Ca c’est une certitude, encore un peu plus enfoncée dans les crânes avec ce nouvel album, le 8e studio d’une carrière débutée en 1982 ! Chaque livraison de COC est une attente pour les fans, celle d\’une surprise. On ne sait pas à quel style le groupe va s’attaquer. Et clairement, sur No Cross No Crown, c\est l’efficacité qui est de mise. COC offre quelques interludes instrumentaux (Novus Deus en intro, No Cross, Matre’s diem, Sacred Isolation) qui permettent une lecture de l\’album sous forme de parties différentes. Une idée originale, qui permet aussi de calmer le tensiomètre entre les 11 chansons qui, elles, balancent les décibels comme certains les pains ou les poings… Et ces parties, ou chapitres, qu’en est-il ? La première propose un trash à-la-Metallica, puissant et efficace ! La seconde renoue avec ce sludge psyché dont COC est désormais l’un des maîtres. La troisième revient aux racines de tout cela : le metal atypique des précurseurs Black Sabbath (on imagine sans mal la voix d’Ozzy sur E.L.M ou A Quest to believe). Corrosion Of Conformity offre une livraison variée et un beau millésime.
Illuminate the dark – King Solomon (rap)
Le rappeur anglo-américain King Solomon a publié courant janvier son premier album Illuminate the Dark. Un disque qui frôle la perfection, tant il est gorgé de soul, de gospel et de piano, avec un dosage d’une précision… diabolique ! Paradoxal puisque cet album – concept album, chose encore confidentielle pour le rap – explore le rapport à la religion et à Dieu de son auteur. Le flow laisse parfois la place au spoken word, voire au chant (grâce aux excellents invités en featuring) permettant une alternance de prises de parole bienvenue. Les messages positifs lancés ça et là offrent aussi une vision différente de ce que l’on peut plus généralement écouter et comprendre dans un disque (sans aller jusqu’au gangsta rap !). Il y a un autre paradoxe sur ce disque : la production. Si elle offre un son particulièrement pur et intéressant, elle n’a pourtant qu’un objectif : la sobriété !Enfin, last but not least : l’usage du piano permet à King Solomon d’offrir de véritables mélodies. Illuminate the dark est un chef d’oeuvre et son auteur frappe fort en proposant un tel résultat pour un premier album !
Grimmest hits – Black Label Society (metal)
Bientôt 25 ans depuis la publication, pour Zakk Wylde, de son premier album ! Voilà qui ne rajeunit ni l’interprète ni l’auditeur fidèle. Et sur cette 10e livraison de son groupe Black Label Society, master Wylde et son gang reviennent à un southern rock vintage, à la patine si reconnaissable. Mais pas que ! L’ouverture (Trampled down below, mais aussi All that once shined) rappelle le meilleur du son stoner, proche à la fois d’un Masters Of Reality & d’un Alice In Chains. On reconnaît aussi immédiatement la patte Ozzy, dont Zakk Wylde a été le compagnon de route depuis un bon paquet d’années (Seasons of falter – Room of nightmares) sans oublier quelques moments de grâce, blues à souhait (The Only Words – The day that heaven had gone). BLS signe ici son album le plus varié, le moins ouvertement metal, d’ailleurs. Un disque qui inscrit le groupe dans cette belle voie pas très lactée du rock américain, où BLS peut côtoyer sans honte Lynyrd Skynyrd, Bruce Springsteen, Bob Dylan, offrant certes une voie plus électrique, mais un même tempérament, celui de l’Amérique de la liberté, des bikers, des grands espaces. Pu… de disque, en fait !
Tell your friends – Nick JD Hodgson (pop)
Il y a une vie après un groupe ! C’est le cas de l’ex Kaiser Chiefs Nick JD Hogdson. Parti voilà déjà six ans, il a entretemps travaillé son songwriting au bénéfice de plusieurs artistes. Avant de se lancer, en ce début d’année, avec son premier album solo. Le garçon a bien appris son Petit-Beatles-Illustré, c’est certain, à écouter les 10 titres de ce premier essai, transformé (Suitable, Thank you). D’autant que le garçon a pris une option revival Pink Floyd pour faire bonne figure, sans oublier l’un ou l’autre clin d’oeil à son homonyme Roger Hodgson (le morceau d’ouverture, RSVP) En résulte un album pop lumineux à souhait, à la production particulièrement léchée. Et un sens aigu de la mélodie, aussi ! On entend parfois l’une ou l’autre réminiscence de la power pop des Kaiser Chiefs (I love the way your mind works) mais surtout on sent un artiste qui s’éclate à travailler les arrangements pour enluminer des compos dont on se doute que même dans leur plus simple appareil, guitare-voix ou piano-voix, elle colleraient le frisson à n’importe qui.
Widdershins – Grant Lee Philips (rock)
Quand un disque évoque dès la première écoute pêle-mêle Bob Dylan, Bruce Springsteen, Lou Reed, les Beatles et Tom Petty. Et même un lointain cousinage avec Nick Cave. Que dire ? Pas grand chose. D’autant plus qu’il n’y a ici ni plagiat, ni emprunt mais un simple air de famille avec les grands noms précités.Grant-Lee Phillips poursuit sa carrière tel un artisan, loin du star system. Pour beaucoup, la question se pose même déjà de savoir de qui l’on parle.\r\nEt bien on parle de Grant-Lee Phillips, connu un temps dans les 90s pour son groupe Grant-Lee Buffalo et l’inoubliable chanson Fuzzy. Les 12 titres ici proposés (c’est déjà son 9e album solo) nous emmènent dans cette belle Amérique, loin des lumières de New York ou Los Angeles. Mais au plus près des suburbs et des plus petites villes. Cette Amérique trop souvent oubliée, faisant parfois image d’Epinal, mais si attachante. Musicalement, nous voilà en pleine americana, ce savant mélange entre rock, folk, country, etc. Mais Grant-Lee Phillips y apporte une forme de coolitude (Unruly mobs / King of catastrophes) qui donne une nouvelle énergie au tout. Si plusieurs influences potentielles ont été citées plus haut, il est impossible de ne pas évoquer Eels, dont Grant-Lee Phillips apparait en reflet plus lumineux (Something’s motta give).
The layered effect – Andy Cooper (rap)
Un album de rap par un blanc-bec qui sonne comme les hérauts des 90s, jazzy et funky à souhait ? Ca existe et c’est cet album brillant d’Andy Cooper ! On y retrouve le groove de De La Soul, de Run DMC, de Guru et quelques autres esprits brillants du genre à l’époque ! Il y a, tout au long des 13 titres de ce disque tout ce qui faisait à l’époque l’urgence quasi punk et expérimentale du rap !Le garçon, seul ou avec ses invités, propose quelques morceaux que les B-Boys aimeraient transformer en « pas qu’ils avaient étudié dans leurs quartiers » (Get On that, fabuleux morceau au groove absolu). Il s’amuse aussi (Do the Andy Puppet, quasi sketch à l’ambiance enfantine), et dresse un constat de l’évolution du genre (Last of a dying breed) se faisant historien, exégète du rap. Et propose un flow impressionnant (son guest Abdominal sur Anything goes). Il y a sur The Layered Effect l’impression que le temps s’est arrêté avant l’arrivée des géants indigestes du genre, qui ont transformé un mode d’expression en mode d’exposition médiatique, tuant son sens originel.
Rock and Roll ain’t easy – Dizzy Reed (hard rock)
On ne le dira jamais assez, mais pourtant la chose est établie depuis au moins Jerry Lee Lewis : le piano est l’instrument rock ultime ! Et cet album solo de Dizzy Reed (ex Guns N Roses) le confirme encore un peu plus. Présent au côté d’Axl Rose jusqu’à Chinese Democracy, il s’est ensuite acoquiné avec les Dead Daisies le temps de deux albums trop méconnus en 2013 et 2015. Et s’offre enfin, à 54 ans, son premier effort solo ! Les compos sont sympas, entraînantes, dans un style hard rock très classique au demeurant. Mais les interventions clavier de Dizzy Reed les rendent imparables, tout bonnement imparables ! Ca commence fort avec ce This don’t look like Las Vegas survitaminé. Excellent accompagnement d’un exercice cardio pour qui ne supporte pas la techno ! Ca bouge dans tous les sens, ça donne envie de danser, de faire du hair clavier ou du hair guitare. C’est du rock jouissif, avec quelques hymnes (Fragile Water – I celebrate) qui prouvent que le hard rock si souvent moqué est encore bien vivant ! Et que Guns N Roses, c’était avant tout l’addition de plusieurs talents, pas seulement le backing band d’Axl Rose.
No fool like an old fool – Caroline Says (indie pop)
Evidemment, dès le nom du groupe, on pense immanquablement au Berlin de Lou Reed. Et dès les premières mesures de First song, titre d’ouverture (qui porte lui aussi très bien son nom !), c’est l’esprit vénéneux et langoureux du Velvet Underground qui envahit l’espace sonore. Caroline Says (alias Caroline Sallee) c’est surtout un quatuor garçons/filles qui propose sur son premier album, No fool like an old fool, 9 chansons, ballades douce-amères, avec cette voix diaphane, parfois fantomatique, mais assez grave dans les octaves. Hop, après Lou Reed pour le nom et Le Velvet pour la musique, voilà qu’on pense à Nico ! Et pourtant. Pourtant Caroline Says, malgré ces références nombreuses et presqu’immédiates au groupe culte new-yorkais, est tout sauf un clone. Plutôt un disciple qui a aussi connu 50 ans de musique depuis la sortie du disque à la banane. Et qui apporte une approche moins urbaine, moins typiquement new-yorkaise à sa musique. On a l’impression d’une BO estivale sixties marquée par le spleen (Sweet home Alabama – Black Hole), la folk (Mea Culpa) et un univers jazzy (Rip Off). No Fool Like An Old Fool s’écoule tout autant qu’il s’écoute. En douceur, avec langueur. Et bonheur. Ce bonheur passé auquel on se raccroche quand le quotidien n’est pas celui que l’on voudrait.
The wilder beyond – Hillsburn (rock)
Ca commence par un titre (Strange Clouds) entre grosse batterie et voix qui lorgne à la fois du côté de Skin (Skunk Anansie) et Carly Simon. Rien que ça ! Ca continue avec une voix masculine, pour un morceau synth wave à la coloration épique (Cover It Up), puis le retour de cette voix féminine pour un morceau tendance gospel (Sun ought to shine) qui rappelle la soul d’un Simply Red. Et ça continue comme ça, le temps de 10 morceaux à la fois si différents dans leurs genres respectifs et si logiquement mis bout-à-bout comme un bon scénario à rebondissements. Hillsburn signe ici son deuxième album (après In the battle years). Le quintette canadien signe un album dark, mélodique à souhait, à l’interprétation habitée de ses deux vocalistes (Paul Aarntzen & Rosanna Burrill). Le groupe déclare vouloir se situer quelque part entre Aretha Franklin & Arcade Fire, période Suburbs. Un territoire vaste, comme l’est le Canada. Mais un parti-pris totalement réussi à l’écoute des 10 titres très riches en influences qui composent cet album. Il y a quelque chose d’évidemment très habité ici. Quelque chose qui rend ce disque immédiatement intemporel !
AmeriKKKant – Ministry (metal indus)
Ne vous y fiez pas : l’intro mariachi sous lexomyl (I know words) n’est qu’un leurre. Parce qu’ensuite Al Jourgensen retrouve ses réflexes, et sa hargne. La pochette en noir et blanc de la Statue de la Liberté se tenant la tête d’une main, l’autre tenant sa tablette touchée par un missile alors que des avions de guerre bombardent New York donnent une bonne idée de la tendance générale du disque… et ne laissent aucun doute : Donald Trump en est l’une des inspirations. C’est d’ailleurs sa voix qui est samplée dès le titre d’ouverture, alors que la suite nous plonge dans le chaos si habituel de Ministry. Twilight Zone, deuxième morceau et dès le titre l’impression que tout est dit sur ce qui va suivre. Idem pour Victims of a clown qui suit. Ministry a toujours su manier l’humour (Wargasm), même si cette fois on sent Al Jourgensen très en colère ! Les bruits de tirs de TV 5/4 Chan et We’re tired of it qui suit (sorte de death indus) nous plongent un peu plus encore vers l’apocalypse. Puis arrive le dernier des 9 titres : AmeriKKKa. 8 minutes 30 au total : un morceau prog !!! Un bijou dans lequel Ministry fait ce qu’il sait si bien faire : mélanger tel un cocktail très corsé tant de styles musicaux : l’indus et le metal bien entendu, mais aussi des réminiscences du Broadway période golden age, du rock FM bien 80s, sorte de BO imaginaire d’un troisième épisode des aventures de Snake Pilsen, où John Carpenter aurait laissé à Ministry les clés de la BO !
You are not alone – Andrew WK (rock)
8 ans entre deux albums, autant dire que plus personne ou presque n’attendait encore Andrew WK. L’artiste américain s’était fait connaître au début des années 2000 en proposant un mélange maléfique de metal/pop/dance sur des paroles que Jean-Marie Bigard soi-même jugerait trop vulgaires. Ce premier album, I get wet, hymne à la teuf, à la booze, et tout ce qui s’en suit. Mais surtout diaboliquement efficace : chaque titre était alors un hymne en puissance ! The Wolf, en 2003, a poursuivi ce chemin, avant qu’Andrew WK ne rentre un peu dans le rang. Jusqu’à ce qu’on pourrait presque qualifier de concept album, ce You Are Not Alone publié début mars. Où notre homme a repris du poil de la bête. Les 16 titres sont autant de hits potentiels, à hurler dans un stade, en se balançant de la bière les uns les autres ! Une messe brassicole ! On retrouve dans ce disque les recettes qui ont fait le succès de Kiss ou Alice Cooper depuis 40 ans. Des mélodies accrocheuses au possible, des arrangements au cordeau (parfois un peu trop grandiloquents, c’est vrai), et un son ultra puissant (on dirait parfois que Devin Townsend était aux manettes, notamment sur les sons de claviers). Comme l’impression d\’assister à un show décadent sur Broadway (Keep On Going, imparable titre d’une comédie musicale). Bigger than life ! Voilà ce qu’il faut retenir de ce disque et de son auteur. The Power of partying, titre d’ouverture, Music is Worth Living For, Ever Again, on pourrait égrener tous les morceaux du disque, tant ils appellent tous à bouger, à danser, à headbanger, à massacrer les paroles parce qu’on a déjà un peu trop bu ! Il y a tout de même quelques moments plus introspectifs, à l’image de Break On The Curse, superbe chanson midtempo. You Are Not Alone est le disque d’un cancre, un vrai : comprenez un mec ultra bourré de talent, qui a un sens inné de la mélodie, mais qui préfère faire le pitre, s’amuser. Mais il le fait consciencieusement, avec la minutie d’un artisan. Seules les quelques interventions parlées d’Andrew WK font parfois perdre un peu le fil, comme s’il voulait nous faire reprendre notre respiration, ce que nous refusons tant la fête est belle. Andrew WK a-t-il proposé avec You Are Not Alone le meilleur album de l’année ? L’avenir le dira. Andrew WK a-t-il proposé avec You Are Not Alone l’album le plus jouissif de l’année ? Là, c’est déjà un immense OUI !
Neon – Cats On Trees (pop)
Il y a des artistes/groupes que l’on peut vouloir détester tant ils ont un sens quasi inné de la mélodie-qui-va-rester-toute-la-journée-dans-la-tête… Et clairement le duo Cats On Trees en fait partie.\r\nLa simple évocation de Sirens Call et hop, 5 ans (déjà ?) après, on se retrouve à fredonner la mélodie. Bis repetita sur Neon, deuxième album des Toulousains. Qui est à la fois la suite logique du disque éponyme et une évolution vers des sonorités différentes. Duo original (batterie / piano), Nina Goern et Yann Hennequin sait faire bouger, sourire, verser une larme en quelques accords seulement (Keep on dancing). La grande majorité des 10 chansons qui composent Neon ont cette double identité entre joie et nostalgie, bien aidées par la voix de femme-enfant de Nina Goem, qui – actualité faisant ? – fait penser à France Gall. Mais aussi au duo américain Cults (Blue). Bien que publié en mars, Neon peut devenir à coup de singles intelligemment choisis ces prochaines semaines devenir l’album de l’été. Et si l’on peut vouloir détester Cats On Trees pour cette facilité quasi naturelle à pondre du hit, finalement on se fait prendre à fredonner, encore et encore et encore leurs chansons. Et à se dire qu’on ne peut évidemment pas les détester, loin de là.
Family Tree – Black Stone Cherry (metal)
Il y a des groupes dont chaque nouveau disque navrant ferait presque regretter le précédent. Et il y a des groupes dont chaque nouvel album apporte tant de fraicheur qu’on en oublie le précédent, aussi excellent fut-il. Black Stone Cherry appartient très clairement à cette seconde catégorie. Deux ans après le superbe Kentucky, le groupe propose un Family Tree endiablé. C’est groovy (Bad Habit), burné (Burnin’), rock’n’roll (New Kinda feelin’ et son piano) et nous entraîne du rock sudiste (Southern Fried Friday Night) au mouvement grunge ou à la country alternative (Ain’t nobody) ! Mais là où BLS frappe particulièrement fort sur ce nouvel album, c’est avec My Last Breath, un crescendo gospel, avec un orgue chaleureux au possible, puis ces choeurs à faire pâlir les maîtres du genre, The Black Crowes en personne. BLS reprend le flambeau d’un rock américain rural, qui a digéré tout ce que l’Amérique a pu produire depuis une bonne cinquantaine d’années. Pour en sortir un disque pas loin d’être fondamental, de Lynyrd Skynyrd à Shérif fais-moi peur, du grunge à Justified. Family Tree n’est pas loin d’être un best-of en soi, tant chaque chanson est un bijou. Rien à jeter ici, à moins d’être superstitieux, le disque proposant…13 chansons.\r\nUne chose est sûre : vivement la suite !
The Deconstruction – Eels (pop rock)
Ca commence par la chanson qui a donné son titre à l’album, véritable balade rock/Cordes vintage qui nous replonge dans ce que les 70s avaient de meilleur. Et Eels signe là, dès le début de l’album l’une de ses plus belles chansons, proche du Scott Walker des débuts ! Et ça continue avec Bone Dry, du pur Eels, où E (alias Eels, alias Mark Oliver Everett) démontre son plus grand talent, à force de shalala et de shoobidoobidoo : prendre les codes d’un passé devenu ringard pour beaucoup et en faire la hype la plus actuelle. The Deconstruction, l’album, est un nouveau recueil de balades douce-amères (Premonition), d’arrangements d’orfèvrerie (The Epiphany, et ses réminiscences du classique français fin du XIXe), de spleen aérien et onirique (Rusty Pipes). Et puisque l’on parle d’orfèvrerie, on touche la substantifique moelle du talent reconnu du bonhomme : à mille lieues de certaines multinationales du rock et de la pop qui « produisent de la production » pour remplir les stades à coup de chansons frelatées, il est lui un artisan, un orfèvre, un artisan qui n’a jamais voulu être cool, qui n’a jamais voulu être à la mode, et qui en devient une référence discrète à défaut de secrète, d’amateurs de très belle musique. Si Eels (alias E, alias Mark Everett, oui on le rappelle) fédère toujours autant dans le monde, après plus de 20 ans de carrière, c’est qu’il y a dans ses compositions et son interprétation un charme discret, vénéneux, l’impression pour les auditeurs d’être en prise directe avec les émotions de l’artiste, voire l’artiste lui-même. The Deconstruction apparaît comme un album apaisé, l’ouverture d’un nouveau chapitre après la naissance pour Eels (alias E, alias Mark Oliver Everett, vous l\’aurez compris) de son premier enfant.
Resistance is futile – Manic Street Preachers (rock)
13e album déjà des Manic Street Preachers, pas mal pour un groupe qui avait décidé dans un moment un peu trop punk d’arrêter les frais après son premier disque, Génération Terrorists, publié en 1992 ! 13e album, et pour la première fois l’impression, après une écoute, que les MSP se sont institutionnalisés. Impression d’entendre des très belles chansons (ces garçons ont un talent mélodique incomparable) mais sans surprise par rapport à ce qu’ils ont pu proposer par le passé. Mais c’est mal connaître le trio gallois, qui révèle à travers les 13 titres de ce 13e album publié le 13 avril (faut pas être superstitieux, ou au contraire l’être pour…13 !) une facette plus étonnante de son travail. Si les trois premières chansons (People give in / International Blue / Distant colours) sont dans la plus pure tradition du groupe, le ramenant même à l’extraordinaire This Is My Truth tell me yours, la suite offre de réelles surprises. Ainsi ce Vivian que n’auraient pas renié Paul McCartney ou Elton John, Dylan & Caitlyn encore très Eltonjohnien, en duo avec Catherine Ann Davies (alias the Anchoress et sa voix qui rappelle Chrissie Hynde) qui n’est pas sans évoquer le duo Elton John / Kiki Dee. Album marquant plus ou moins les 25 ans de l’histoire des MSP, Resistance is futile retrace la carrière du groupe et l’évolution de sa musique. Les fans retrouveront ce qui a fait l’essence des Gallois première période (Sequels of forgotten war) ou plus tard (Hold me like a heaven). Les lyrics sont toujours à l’avenant, passionnants et passionnés, enflammés ! En bonus, sur l’édition Deluxe, un vrai document : les 13 mêmes chansons mais dans leurs version démo, sans artifice, permettant une analyse du travail de production et prouvant une fois pour toutes qu’une bonne chanson est une chanson qui est encore plus magnifique dépouillée de tous ses arrangements !
Every third thought – David Duchovny (rock)
« La vérité est ailleurs » nous a-t-il seriné depuis 25 ans, sous les traits de l’agent spécial du FBI Fox Mulder. Mais à l’image de son autre personnage phare, Hank Moody, David Duchovny est plus artiste que flic persuadé-de-l’-existence-des-ET… Son deuxième album Every Third Tought est là pour le prouver. Rien de bien original me direz-vous, en dehors de son interprète, mais un bon album pop rock dans lequel on sent les meilleures inspirations possibles : Bruce Springsteen (Half life, très bon titre d’ouverture, Maybe I can’t où sa voix, sa diction surtout se rapprochent du Boss), Neil Young (la chanson titre de l’album, et sa guitare râpeuse à souhait). On n’est pas forcément là dans le comédien qui veut se la jouer chanteur, mais à l’image d’un Kevin Bacon un artiste complet qui profite de sa notoriété pour partager un peu de son intimité via les notes. Rien de bien original est-il écrit plus haut. Et c’est vrai à l’écoute de l’ensemble de l’album. Mais chaque chanson transpire la sincérité de son interprète. Et c’est finalement ce qui compte. Par contre, une analyse cryptographique de l’ensemble des lyrics n’a permis aucune avancée dans la connaissance du monde d’ailleurs, ni d’une quelconque menace extraterrestre protégée par le gouvernement Trump. C’est certainement la seule très grosse déception de ce disque !
My Indigo – My Indigo (electro pop)
Derrière My Indigo se cache Sharon Den Adel, chanteuse habituellement du groupe de metal Within Temptation. Mais elle avait déjà lancé un premier signe d’éloignement temporaire, lors d’un duo avec son compatriote le DJ Armin Van Buuren. Ici, c’est tout un album d’électro pop, parfois teinté de folk (My Indigo) qui nous est proposé. Et prouve que quelque soit le genre musical, une Voix reste une Voix. Seule ici change la couleur, plus douce, pastel même, mais pas le fond. Cette Voix est reconnaissable entre mille, et c’est ce qui fait le charme dangereux du disque : l’impression de ne plus savoir où l’on est, connaître sans reconnaître. 10 titres au total, autant de pépites pour préparer sereinement l’été. 10 titres et inévitablement une ballade au piano (Out of the darkness, tout au milieu de l’album, très beau moment de spleen). Si des comparaisons sont à chercher sur ce disque, ce n’est évidemment pas vers le metal, mais plutôt vers une chanteuse comme l’Australienne Sia qu’il faut aller (Safe and sound), voire l’Américaine Jem qui avait eu son succès au milieu des années 2000.
Leather Teeth – Carpenter Brut (synth rock / electro)
1er véritable album de Carpenter Brut, DJ français (il y a eu auparavant Trilogy qui regroupait trois EP, puis un album live), ce Leather Teeth nous replonge dans les glorieuses années synthé, les années 80. Celles de Jean-Michel Jarre (Leather Teeth, titre d’ouverture, Monday Hunt), mais aussi Harold Fatelmeyer (compositeur d’Axel F.), Giorgio Moroder, Jan Hammer (le thème de Miami Vice), voire Vangelis (Inferno Galore)\r\nOn sent un garçon qui a été élevé aux compilations Synthétiseur du Néerlandais Ed Starink. Mais qui, contrairement à celui-ci qui a bâti son succès sur des reprises parfois un peu cheap, Carpenter Brut a su tirer le meilleur de ces influences, plus sur le plan sonore que strictement musical. Avec Leather Teeth, il livre un disque qui remet au goût du jour cette musique, le plus souvent instrumentale. On y retrouve la grandiloquence symphonique ou le groove de certains succès made in 80s (Sunday Lunch, si là y’a pas du Jan Hammer derrière !!!). Si les titres sont essentiellement instrumentaux, il y a quelques vocalistes invités. Et autant le dire, ils sont diablement bien choisis, à commencer par Kristoffer Rygg, leader du groupe norvégien Ulver (album de l’année 2017 de Discomaniac avec The Assassination of Julius Caesar). Leather Teeth est un album OVNI, au croisement de cette musique synthétique à la fois dansante et parfois oppressante et d’une envergure rock/punk assumée, qui parfois lorgne du côté d’un Killing Joke ou même d’un Nine Inch Nails époque Pretty Hate Machine. Une fois le disque terminé, sans même s’en rendre compte, on se prend à appuyer de nouveau sur Play, pour un nouveau voyage !
Coded smears & more uncommon slurs – Napalm Death (grindcore)
Il est difficile d’analyser un nouvel album de Napalm Death, tant les choses ont évolué depuis les débuts du groupe il y a déjà 37 ans ! Et Napalm Death aussi, a évolué durant ces quasi 4 décennies. Et la sortie de leur 17e album (si mes comptes sont bons !). Et ici, parler de Coded smears… ne sera pas tant une chronique de l’album en soi que d’un hommage au talent brut (et brutal) et à l’opiniâtreté de la bande à Barney. Un hommage aussi à une carrière bâtie sur un style plus que particulier, sans la moindre concession artistique, et qui permet néanmoins au groupe de toujours être présent, légende vivante du metal extrême, cathédrale pour les tenants d’un jusqu’au-boutisme musical. Et tout simplement pas une chronique, car ce double album est un condensé de chansons et de live retraçant une période de 12 ans (2004-2016). Qui a vu un jour Napalm Death sur scène sait ce qu’est l’engagement du groupe. Qui a écouté un de leurs albums sait à quel point leur musique est bien plus technique qu’elle n’y paraît pour l’oreille profane. Coded Smears prolonge la période entamée voilà une grosse douzaine d’années par Napalm Death, celle d’une mise en relief de leur musique, une touche « progressive » qui doit les faire entrer un peu plus au panthéon du metal.