« Les metalleux et les rockeurs, y crient tous. Y savent pô chanter. On comprend rien ». « Ouais, et alors les guitares à fond, la grosse batterie, on sent qu’y savent pô jouer non plus ! ».
Qui écoute du rock un peu lourd ou du metal n’a pas pu échapper à ces clichés béotiens.
Alors, de temps en temps, rockeurs ou metalleux adoucissent leur propos. Et à chaque fois, ou presque, c’est l’ébahissement, même pour l’oreille avertie.
Sapiens fait partie de ces disques qui ont un goût d’ailleurs. Un doux parfum de fête sur la plage, avec quelques guitares, un peu de rhum et l’une ou l’autre canette. Et surtout, surtout : un feu de bois. Il y a à travers la majorité des dix titres présents sur cet album sans nom cette douce mélancolie de fin d’été. (Pour un peu, on pourrait leur reprocher de n’avoir pas fait une cover de l’été indien, tiens !).
Sapiens, ce n’est pas un groupe, mais un projet. Et ses têtes pensantes, chantantes et jouantes ne sont pas à proprement parler des enfants de choeur… Egrainons la liste ensemble : Mars Red Sky, Bukowski, Psykup, Robot Orchestra, Hangsman Chair, Black Bomb A, Babylon Pression, Los Dissidentes Del Sucio Motel, Forest Pooky, et cherry in the cask : Lofofora, maître à hurler depuis 30 ans maintenant dans le paysage metal français !
Le résultat, comme écrit plus haut, ce sont des chansons à forte dose de mélancolie. Par moments, on se croirait sur un album récent d’Anathema (Surreal Estates, Palm Prints, notamment). Et la comparaison – en plus d’être flatteuse sur ce clavier – s’approche d’une forme de vérité, le groupe britannique étant depuis près de 20 ans un fer de lance du rock progressif, après des débuts death metal atmo plus que remarqués, jusqu’à la césure de son fantastique Alternative 4, à la fin des 90s.
Sapiens offre une diversité de voix et un chant majoritairement en anglais. Mais deux titres (C’est gênant et Le feu qui danse) rappellent avec puissance qu’on peut faire du rock en français. C’est pas gagné, mais quand ça passe, c’est comme l’équipe de France de basket qui gicle les Yankees : ça passe plus que très bien !
Mention spéciale d’ailleurs à Reuno (Lofofora) dont le timbre cohenien donne envie de l’entendre plus souvent sur ce registre.
On a indubitablement à faire ici à un très grand disque. Qui rappellera aussi à la génération New Metal (ouais, fut un temps, c’était cool le new metal) le très bel album hommage à Lynn Strait de Snot, dans les 90s.
Sapiens s’offre dès la première écoute un parfum d’éternité. Et ça, à l’époque de la musique jetable, c’est encore plus fort qu’une victoire de la France sur les USA en basket !