16 mois après le décrié Western Stars dans lequel il exprimait sa vision du rock californien, Bruce Springsteen retrouve ce qui fait le sarment de son oeuvre : ce rock laborieux, poétique, engagé, sur Letter to you. Et il débute les années 20 comme il aura vécu les années 10 : inspiré, au sommet de son art.
Après l’introspectif One minute you’re here, le Boss attaque sur ce rock épique et héroïque dont il a lui-même dessiné les contours dès les années 70, lui mêlant country, folk et blues rugueux. A ses côtés, les vétérans glorieux du E Street Band apparaissent plus en forme que jamais. Letter to you, la chanson qui a donné son titre à l’album, est à mettre parmi ce que Springsteen et les siens ont pu composer de meilleur, et on parle là de titres de la trempe d’un Born to run, d’un Ghost of Tom Joad ou d’un The Rising. Bref, un classique, déjà.
Et que dire de la chanson suivante, Burnin’train, peut-être l’un des textes les plus poétiques d’un Springsteen que l’on sent toujours très engagé politiquement. La rage de vivre, de s’exprimer, de respirer, d’aimer, anime toujours et encore Bruce Springsteen, lui intimant presque l’obligation de se surpasser une fois de plus. Et c’est là que reviennent les Western Stars qui auront peut-être été l’exercice nécessaire au chanteur du New Jersey – après un High Hopes sur lequel il avait recyclé quelques anciens titres – pour se remettre à l’ouvrage.
Cet album a cependant un goût un peu bizarre, comme si Springsteen avait décidé d’y revisiter son oeuvre, son patrimoine. Tout est nouveau, mais tout semble inspirer une forme de nostalgie douce d’un parcours débuté il y a bientôt 50 ans, dans les bars d’Asbury Park, NJ.
Letter to you est une nouvelle collection de 12 chansons, 12 essais, 12 confessions, 12 histoires, mais surtout 12 perles de l’un des artistes les plus importants de l’histoire du rock. Un artiste dont il faut savoir se vanter d’être ses contemporains pour ne pas avoir à le regretter quand il aura rejoint le concert céleste. Car la place de Springsteen, elle est au sommet du rock, dans un triumvirat triomphant et glorieux, comptant à ses côtés Elvis et Dylan, les seuls certainement à pouvoir rivaliser avec Bruce Springsteen dans l’histoire du rock américain, et bien plus encore dans la culture de ce pays au sens large.