The Body ou l’art de faire du bien en faisant mal. Aux oreilles surtout. Et ce 8e album est encore là pour le prouver. Le duo américain s’ingénie à balancer les potards non pas sur 10, ni même sur 11 (les amateurs comprendront le clin d’oeil), mais sur 20 ou 30 dès l’ouverture de l’album. Pour mieux couper une demi-seconde tout son et faire perdre à l’auditeur ses sens.
Il y a quelque chose ici qui tient du terrorisme, de la bande originale d’une planète où la population serait décimée par un virus contre lequel on ne peut rien, et où des robots viendraient décapiter les quelques survivants. Un peu comme si Christopher Nolan décidait de faire un film inspiré de la COVID-19 avec une BO surpassant en agression celle de Tenet. Mais il y a ici quelque chose qui tient aussi du Beau. Sans véritable explication. On pourrait parler de fascination, aussi. Parce que The Body nous laisse entrevoir par un filtre obscur ce que pourraient donner ses compositions si elles étaient interprétées par un groupe pop (ou juste un Ministry ou un Nine Inch Nails, finalement ça suffirait…). Et c’est peut-être l’originalité de The Body, par rapport à d’autres activistes du bruit tels que Burial, Merzbow ou Boris : ils font d’abord des chansons, avant de les enlaidir, les durcir, leur enlever toute consistance humaine, là où leurs compagnons de route cherchent le bruit avant tout.
Pour être honnête, les basses sont tellement mises en avant ici (A pain of knowing) qu’il est assez difficile d’écouter I’ve seen all I need to see en une seule traite. Mais au lieu d’enlever du charme à ce disque, c’est cette épreuve qui lui donne toute sa consistance et, plus que son utilité, sa nécessité et son urgence.