Depuis son premier album, Handle with care, à la toute fin du XXe siècle, le groupe tourangeau Ez3kiel s’est ingénié à suivre son chemin propre, loin des modes, loin des genres, loin de ce monde. La mémoire du feu – premier album depuis Lux, il y a bientôt 8 ans- voit Ez3kiel revenir vers nous, vers ce monde. Si l’intention est toujours aussi contemplative et onirique, la musique nous entraîne cette fois vers des figures un peu plus connues, peut-être tutélaires pour le groupe, telles qu’Arno, Thiéfaine ou Gainsbourg. Mais à chaque fois passés à la moulinette Ez3kiel !
La dimension électronique s’estompe, sans pour autant s’effacer, laissant la place à une approche moins ambient, plus rock, plus organique. Mais toujours aussi planante. Comme si Ez3kiel redécouvrait les paradis perdus du rock progressif. Chanté (ou parlé) uniquement en français, La mémoire du feu a tout du concept album, de l’histoire qui se déroule dans nos oreilles. Surtout, Ez3kiel nous rappelle que s’il y a des disques qui s’entendent, il y a des albums qui s’écoutent. Seul, de préférence, ici. Comme pour mieux profiter d’un moment unique, volé au temps qui passe, aux orages qui perturbent nos journées.
Comme un conte ésotérique, La mémoire du feu déroule ses chansons. Mais peut-on parler de chansons ? Certainement pas au sens pop. Non, car ici, ce sont des songes mis en musique, peu de chant justement, surtout des voix qui racontent une histoire, avec ces intermèdes cinématiques absolus (L’absolu, justement !), ces cassures de rythmes, ces emprunts surprenants (la mélodie des Galions oubliés fait à certains moments un lointain écho à L’amour à la plage de Niagara, comme un rêve croisant un souvenir, dans quelque limbe cotonneux).
On ne sort pas indemne de l’écoute de La mémoire du feu. On en sort comme on termine un très bon livre, comme on termine une grande randonnée faite de paysages majestueux.
Dans un genre proche
http://myskeuds.eu/index.php/2022/04/07/biollante-jespere-que-tu-danseras-quelque-part-experimental/