A quelques jours de la sortie de Memento Mori, nouvel album de Depeche Mode, le 15e en 42 ans d’existence discographique, la question peut être posée : quelle sera l’héritage du groupe de Basildon ?
Les hits ne se comptent plus. Des débuts new wave aux plus récents disques virant à l’électro. En passant par les moments plus sombres, gothiques ou indus. Et en attendant un Memento Mori qui sera si particulier, par son contexte : la disparition d’Andrew ‘Fetch’ Fetcher, l’âge, la mort qui a rôdé de longue date autour du groupe, principalement Dave Gahan.
Alors, oui, l’héritage de Depeche Mode est immense. Déjà parce que le groupe est parmi les rares à avoir toujours ou presque réussi à concilier succès populaire et engouement critique. L’un des rares aussi à avoir aggloméré un public venant autant de la pop « radio friendly » que celui originaire de contrées musicales plus obscures. Un authentique exploit, dont peu d’artistes peuvent se targuer, surtout sur une telle durée. Qui citer ? Lou Reed ? Non, parce que certains de ses albums ont franchement déçu, ou choqué (Metal Machine Music, Lulu). Qui d’autre ? Personne, peut-être, en fait.
Durant ces quatre décennies d’innovation et d’apprentissage de son art, Depeche Mode aura évidemment impacté nombre de groupes qui, aujourd’hui, se revendiquent de son inspiration. En voici quelques uns. Cette liste, évidemment, est tout sauf exhaustive. Des dizaines, des centaines d’autres groupes, chanteurs, chanteuses, auront à un moment ou un autre cherché à s’inspirer de Depeche Mode, d’une façon ou d’une autre. Tel Leonard Cohen le temps d’un album synthétique et magistral I’m your man.
Yazoo et Erasure
Là, c’est la branche dissidente de la famille. Vince Clarke a composé la majorité des chansons du premier album de Depeche Mode (Speak & Spell) avant de s’en aller. Créer d’abord Yazoo, puis après quelques autres projets plus anonymes, Erasure. Avec son complice Andy Bell, il a poursuivi dans la branche du son qu’il avait imaginé dès 1980. Soit une pop dansante, électronique, qui aura, à son tour inspiré tout un courant musical.
Stabbing Westward
Le groupe de Chicago aura autant été influencé par Depeche Mode qu’il aura inspiré les britanniques. Au début des années 90, Stabbing Westward se lance, dans la foulée d’un Nine Inch Nails ou d’un Ministry vers un rock très sombre, et très orienté vers les machines. Mais Christopher Hall et les siens ont un penchant pour le format de chansons pop. En 94, c’est une première consécration : tournée en première partie de Depeche Mode aux USA. Et l’occasion de prendre des cours de foot auprès de Dave Gahan, puisque la tournée coïncide en partie avec la coupe du monde, organisée chez les Américains.
Deux ans plus tard sort Wither blister, burn + peel et le principal hit du groupe, What do I have to do. Quant à Depeche Mode, ce sera Ultra, son album le plus indus à ce jour. Un hasard ? Une coïncidence ? Pas tant que ça.
Soulsavers
Le duo de DJ britannique a publié quelques albums où rock et musique électronique se mélangent dans une sombre valse. Le premier chanteur invité fut le regretté Mark Lanegan. Puis Dave Gahan lui a succédé, d’abord invité, puis membre d’honneur sur un album signé Soulsavers & Dave Gahan. Là, clairement, il y a plus qu’une inspiration. Il y a une filiation.
Ministry
On a tendance à l’oublier, mais « uncle » Al Jourgensen a débuté dans la musique synthétique. Avant d’aller chercher dans le metal des sonorités plus brutales, plus violentes, plus dérangeantes. Ministry, dans sa première essence, a même ouvert pour la tournée US 83 des Britanniques. Attention, ça pique ce clip !
Nine Inch Nails
Laissons la parole à Trent « God » Reznor. Dans un post publié sur la page Facebook de Depeche Mode, voici ce qu’il a déclaré, au sujet de Black Celebration.
« C’était l’été 86. J’avais abandonné l’université et je vivais à Cleveland en essayant de me frayer un chemin dans la scène musicale locale. Je savais où je voulais aller dans ma vie, mais je ne savais pas comment m’y rendre. »
« J’ai beaucoup pensé à cette soirée au fil des ans. C’était une nuit d’été parfaite et j’étais exactement au bon endroit. La musique, l’énergie, le public, la connexion… C’était spirituel et vraiment magique », a-t-il poursuivi. « J’ai quitté ce spectacle reconnaissant, humble, énergique, concentré et impressionné par la puissance et la transformation de la musique… et j’ai commencé à écrire ce qui allait devenir Pretty Hate Machine. »
Trent Reznor se rapprochera encore plus de Depeche Mode via son projet parallèle How To Destroy Angels.
Rammstein
Le groupe allemand a fait partie des artistes invités sur DM For the masses, album hommage publié à la fin des 90s en hommage aux gars de Basildon. Reprenant à sa façon Stripped, le groupe berlinois a pris beaucoup chez Depeche Mode. D’une articulation parfaite entre pop et musique sombre à des concerts devenant messes païennes, en passant par la maîtrise d’une musique à la fois rock et électronique.
Mesh
Le duo de Bristol a tôt fait de balancer un mélange de rock et de musique électronique. Et apparaît aujourd’hui comme l’un des groupes les plus proches de l’esprit Depeche Mode. Leurs 7 albums publiés jusqu’en 2016 ont obtenu un succès moindre que DM. Mais un succès réel. Le groupe a même subi la comparaison, au début de sa carrière, ce qui l’a poussé à aller plus loin dans sa démarche de personnalisation de sa musique.
Paradise Lost
Deux albums essentiels au milieu des 90s ont permis au groupe de Halifax de créer un genre musical : le metal gothique. Venant du doom et du death, ils ont rendu leur musique un peu plus « pop » sur l’iconique One Second. Avant de signer dans une major et de composer trois albums dans la plus pure lignée d’Ultra : Host, Believe in nothing et Symbol of life.
Depuis, Paradise Lost a choisi de revenir à une musique plus extrême. Mais Greg Makintosh et Nick Holmes, les Gahan & Gore de Paradise Lost viennent de former leur projet parallèle, pour revenir à l’influence DM : Host.
VAST
VAST, ou l’exemple du one man band dont tout le monde connaît une chanson (Touched, avec son sample des Mystères des Voix Bulgares) sans savoir de qui il s’agit. Jon Crosby a clairement décidé de prendre la musique de Depeche Mode comme point de départ. Et de tenter (avec succès sur son fantastique premier album) de s’imposer en lien entre DM et NIN. On est d’ailleurs clairement ici plus sur les terres expérimentales de Martin Gore que sur les contrées plus pop de Dave Gahan.
††† (Crosses)
Chino Moreno a rapidement montré des influences new wave au sein de Deftones. Démarquant ainsi son groupe du courant nu metal dont il était plus ou moins l’un des fers de lance médiatiques.
A coup de side projects, dont Team Sleep, il a fait oeuvre d’hommage à Depeche Mode et Cure.
Son dernier side project, ††† (Crosses) est totalement dans la veine de Depeche Mode. Comme une excroissance américaine et metal du travail de Depeche Mode.
Smashing Pumpkins
Adore. L’album new wave des Smashing Pumpkins. La voix de Billy Corgan est reconnaissable entre mille. Comme celle de Dave Gahan. Faites un instant un effort d’imagination en écoutant une chanson comme Ava Adore, en remplaçant mentalement la voix de Corgan par celle de Gahan. Vous obtiendrez l’un des meilleurs titres de Depeche Mode. Tout simplement. Sans parler de la rythmique de la chanson, que l’on croirait calée sur celle de Barrel of a gun.
A Perfect Circle / Puscifer
Maynard Keenan est d’abord et avant tout le chanteur de Tool. L’un des groupes les plus emblématiques et les plus originaux de la scène rock. Qu’on ne pourrait rapprocher, et encore de loin, qu’à King Crimson.
Mais Maynard Keenan est aussi le leader d’A Perfect Circle, dont l’art rock se situe dans la droite lignée d’Ultra. Et de Puscifer, projet collaboratif où rock et électro forniquent. Comme une jam non contrôlée de Depeche Mode.
Placebo
On évoquait en introduction les artistes qui ont su concilier succès critique et commercial. Ce qu’a su faire un temps Placebo. Le temps d’un triptyque essentiel (Placebo / Without you I’m nothing /Black Market Music). Un triptyque qui doit autant à David Bowie (invité sur le deuxième album) qu’à Depeche Mode, dans la recherche d’une harmonie entre le sens mélodique et la noirceur, souvent ironique. Et dans la sexualisation du rock.
Death in Vegas
Là, on penche sur le côté le plus électronique de Depeche Mode. Avec le duo Death In Vegas qui a créé des chansons synthétiques, osant le même côté sensuel que Depeche Mode. Qui aurait écrit une chanson pour un film interlope de David Lynch…
Au-delà des quelques artistes ici cités, on n’oubliera pas non plus les nombreux samples réalisés sur des chansons de Depeche Mode. Et évidemment, les reprises ont été nombreuses, de ce Personal Jesus qui aura séduit aussi bien Marilyn Manson que Johnny Cash, à ces dizaines d’albums hommage, dans tous les genres musicaux possibles.
Pour tout savoir sur Memento Mori, le site officiel de Depeche Mode !
Parmi les nombreux albums inspirés par Depeche Mode chroniques sur Myskeuds, celui de Billy Howerdel (membre de…A Perfect Circle, dont on parlait plus haut).
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