C’est la discussion rapide entre potes sur un artiste, Bruce Springsteen en l’occurrence, qui aboutit à une unanimité : il est bien le Boss pour les bonnes raisons, et son surnom, ce titre de noblesse unique dans l’histoire de la musique, est amplement mérité !
Alors bien sûr, dans la bande chacun ira de sa période ou de son album de référence : la folk sépulcrale d’un Nebraska pour l’un, le stadium rock de Born In The USA ou Wrecking Ball pour un autre, les sonorités plus expérimentales de quelques chansons comme Streets of Philadelphia, Secret Garden ou The Ghost of Tom Joad en duo avec Tom Morello pour un troisième.
Mais sur le fond de la question : l’importance de Bruce Springsteen dans l’histoire de la culture américaine, tout le monde est d’accord ! Il est au panthéon de cette culture, au même titre qu’un Bob Dylan, un Elvis Presley, un Johnny Cash pour ne citer que les musiciens.
Evidemment, un tel talent, une telle carrière ont inspiré d’autres artistes. Myskeuds dresse ici une liste loin d’être exhaustive de celles et ceux qui ont suivi les pas du géant Springsteen. Loin de tenter de définir le style Springsteen, on peut y voir quelques constantes chez la plupart des artistes cités : une plume qui mêle poésie et histoires de tous les jours, une voix immédiatement reconnaissable une veine rock mais qui aime sortir des sentiers battus, passant fièrement par les méandre du blues, de la folk, de la soul…
Les petits frères
Ils ont débuté en même temps ou juste après Bruce Springsteen, mais ils sont très proches de son style, de sa poésie, de son univers, de son Amérique, voire même de chez lui !
Jon Bon Jovi / Richie Sambora (Bon Jovi)
On aurait tendance à l’oublier, à cause des 20 dernières années très mièvres, mais le groupe du New Jersey a écrit et interprété quelques chansons totalement springsteeniennes. A ce titre, Living on a payer sonne comme une chanson de Bruce plus qu’autre chose, tendance Because the night.
Il aura fallu le drame Sandy (cet ouragan survenu en 2012, qui a détruit une partie de New York et des rives du New Jersey) pour que l’impensable arrive : un duo Springsteen Bon Jovi en hommage aux victimes sur la scène du Madison Square Garden. Les deux hommes avaient cependant déjà collaboré ensemble à d’autres occasions.
On trouve aussi ici la fraternité du New Jersey, ces underdogs ouvriers pour qui New York City est une Babel hors d’atteinte.
Southside Johnny (and the Asbury Jukes)
Là, c’est carrément la famille. Southside Johnny a accompagné Springsteen et fait débuter Little Stevie Van Zandt. Il est d’ailleurs considéré comme le cofondateur avec Springsteen du Jersey Shore Sound, ce mélange de rock, blues, soul qui fait aujourd’hui encore son succès, plus confidentiel que celui de son pote Bruce. Jon Bon Jovi a d’ailleurs déclaré que Southside Johnny est celui qui lui a donné envie de chanter.
Les cousins
Leur musique se rapproche par moments de celle de Springsteen. Amis, concurrents, rivaux ? Auteurs-compositeurs et interprètes de grand rock, surtout, et c’est là l’essentiel !
Bob Seger
Comme Southside Johnny, Bob Seger fait partie de ces trop nombreux grands artistes quasi inconnus en France, sauf par quelques fans épars de cette musique bigger than life. Lui aussi écrit ses textes autour d’histoires du quotidien, puis les met en musique avec force saxo, piano et ce subtil mélange de rock et de soul. A ce titre, Turn the page est une chanson qu’aurait pu écrire Springsteen, l’histoire de ce rockeur en tournée, seul malgré la folie des fans. Les deux hommes partagent aussi ce timbre de voix particulièrement profond.
Garland Jeffreys, le cousin de Harlem
Grand ami de Lou Reed, c’est pourtant vers Springsteen qu’il faut se tourner pour décrire l’univers de Garland Jeffreys. Aux suppliques du Jersey du Boss, Garland Jeffreys répond par la chaleur de Harlem. Pour les deux hommes, New York (ou plutôt Manhattan et ses fantasmes) en miroir de leur quotidien. Son album Don’t call me buckwheat est un modèle du genre. De la poésie sauvage, des mots qui frappent et un univers musical qui va du rock à la soul en passant par le reggae ou le blues.
Tom Petty
Peut-être considéré comme un plus fin manieur de guitare que Springsteen, Tom Petty peut aussi prétendre à faire partie du gotha de la musique américaine. Après tout, il a été l’un des influents membres des Traveling Wilburys, le supergroupe parmi les supergroupes de l’histoire du rock, qui a réuni à ses côtés Bob Dylan, George Harrison, Jeff Lynne et Roy Orbison !
Ses chansons, à l’image de Into the great wide open, sont aussi des petites histoires, des nouvelles, que l’on fredonne, que l’on chante, auxquelles on se réfère. Les deux hommes ont régulièrement partagé la scène.
Jackson Browne
Auteur d’une carrière sans grosse anicroche, Jackson Browne vient aussi de cette musique mêlant rock et folk. Bruce Springsteen a d’ailleurs prononcé l’émouvant discours d’introduction de Jackson Browne au Rock’N’Roll Hall of Fame en 2004.
Les fils légitimés
Ces musiciens ont fait mieux que s’inspirer de Springsteen : ils l’ont inspiré en retour, et l’ont rejoint sur scène ou sur disque !
Tom Morello
Qui l’eut cru ? Le guitariste furibard des très énervés Rage Against The Machine est un fan de musique folk. Ses albums publiés en son nom propre ou sous le pseudonyme The Nightwatchman montrent un Tom Morello plus concentré sur ses textes, très springsteeniens, et sur sa voix, grââââve comme un Leonard Cohen que sur les géniaux délires qu’il pourrait tirer de sa guitare.
Sa réinterprétation électrique de The Ghost Of Tom Joad au côté de Springsteen en fait l’un des proches du Boss (sur scène, puis sur l’album High Hopes, vraie fausse compilation/ réécriture de chansons). Qui semble même susciter l’admiration du guitariste en chef du E Street Band, Stevie Van Zandt !
Brian Fallon
Son écriture punk, son énergie et sa touche folk en font l’héritier musical numéro 1 de Bruce Springsteen. Sans parler de ses origines new-jerieysques. Le Boss en personne a d’ailleurs adoubé Brian Fallon en l’invitant sur scène lors du Hard Rock Calling Festival en 2009 le temps d’une chanson, No Surrender. Il viendra également sur la scène de The Gaslight Anthem à quelques occasions. Brian Fallon va cependant plus loin encore que Bruce Springsteen, multipliant les projets (The Horrible Crowes, The Gaslight Anthem parmi les plus connus) en parallèle d’une foisonnante carrière solo.
The Dropkick Murphys
Le gang irlandais de Boston sévit depuis la fin des années 90 à coup de brûlots punk / hardcore / musique celtique. Mais à l’instar de Brian Fallon, ils ont reçu le cadeau ultime : il apparaît le temps d’une chanson sur leur album Going out with style en 2011. Comme Springsteen, ils sont surtout les héritiers du grand Woody Guthrie, dont ils ont adapté les paroles d’une chanson qui n’avait pas de musique. Cette chanson est devenue leur classique : I’m shipping up to Boston, puis l’hymne officieux du Massachusetts.
Ken Casey, le bassiste et co-chanteur du groupe a par ailleurs participé au concert hommage à Springsteen en 2013.
Le dernier album du groupe, 11 short stories of pain & glory publié en 2017 est d’ailleurs le album le plus springsteenien à ce jour !
Les héritiers
Les quelques artistes cités ici ne sont qu’une infime partie de celles et ceux qui ont mis leur pas dans celui du géant du New Jersey.
Ben Harper
Lui aussi a participé à ce concert hommage au Boss en 2013.
Lors d’une interview, nous avions discuté de beaucoup de choses. Et je lui ai demandé, par rapport à cet hommage et à sa carrière (en solo ou avec des Innocent Criminals qui déboulent dès qu’il les appelle) s’il n’est pas un héritier de Springsteen. Il m’a alors regardé, interloqué. J’ai cru lui avoir tenu un propos négatif, outrancier, presque insultant. Il m’a regardé droit dans les yeux, le regard un peu humide. Pour me répondre « si je lui arrive un jour à la cheville, j’aurai réussi ma carrière. On parle de Springsteen, là. Moi je ne suis rien à côté ».
Eddie Vedder (Pearl Jam)
Pionnier du grunge, Pearl Jam est devenu en 30 ans de carrière l’un des géants du rock US, du Classic rock comme disent certains.
Si leur musique s’est quelque peu assagie par rapport à leurs débuts, leur façon d’écrire les chansons était dès l’origine liée au travail du Boss (Jeremy). Pearl Jam est en fait au confluent de trois influences majeures : Springsteen, Neil Young (qui aurait pu figurer parmi les cousins) et The Who.
Melissa Etheridge
Melissa Etheridge, à l’instar de Patti Smith (Because the night) ou Patti Scalfia l’une des femmes de Springsteen. Mais plus que les deux précitées, elle apparait comme le pendant féminin de mister Bruce, évoluant dans le même style musical à base de rock, blues, folk et soul, et l’utilisation de nombreux instruments pour apporter une profondeur et un supplément d’âme à sa musique.
Robert Francis
Le jeune chanteur est régulièrement comparé à Springsteen, Townes Van Zandt ou Steve Earle. C’est amplement mérité. Ses textes sont empreints d’universalité, de poésie et sa guitare se fait tantôt douce tantôt grinçante comme une tronçonneuse bien rock !
Sivert Hoyem
Héritier éloigné, puisque norvégien, Sivert Hoyem est au confluent d’une conjonction artistique Springsteen / Leonard Cohen / Jim Morrison. Ses textes le rapprochent du génie canadien, sa voix de Jim Morrison, sa musique de Springsteen.
Brian Adams
Summer of 69, Can’t stop this thing we started et bien d’autres chansons montrent l’influence de Bruce Springsteen dans la carrière du chanteur canadien. Brian Adams partage aussi avec Springsteen la dualité entre rock et folk, la touche soul en moins.
Bon Iver
La musique folk rock épurée de Bon Iver fait fortement référence aux albums les plus folk de Springsteen comme Nebraska ou The Ghost of Tom Joad. Il a régulièrement offert à son public des reprises du Boss en concert.
Everlast
C’est aussi ici le Springsteen folk et blues qui est mis à l’honneur. L’ex membre du gang rap House of Pain propose depuis plus de 20 ans un savant mélange entre folk, blues et phrasé rap. Sa voix rocailleuse et ses thèmes de prédilection (notamment les White Trash Americans) le rapprochent grandement du Boss.
Grant Lee Philipps
Fuzzzzzzzyyyyyyyyyy… le hit de Grant Lee Buffalo dans les années 90, et la suite de la carrière de Grant Lee Philipps continuent de le rapprocher du dytique Springsteen Young. Sa musique est empreinte d’une âme totalement américaine. Trop peut-être hélas pour lui permettre d’avoir Overseas la carrière qu’il mériterait.
Kings Of Leon
Un rock âpre, mélodique, des textes travaillés… Les frangins Followill sont totalement dans la lignée des chansons stadium rock à la Born to run. Ils apportent une jeunesse nouvelle au style, qu’ils ont conjugué avec leurs influences de jeunesse comme le grunge ou la pop des années 80/90.
Chris Cornell
C’est plus dans sa carrière solo que chez Soundgarden qu’il faut chercher pour trouver l’influence springsteenienne. Chris Cornell, tout comme le Boss, utilise sa voix pour conter, transmettre les émotions des personnages, des situations dont il parle dans ses chansons. Il a aussi collaboré au sein d’Audioslave avec Tom Morello, futur collaborateur de Springsteen sur scène et sur disque.
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