Saul Williams est une exception dans le monde du hip hop. Loin, très loin des modes initiées et encouragées par les moguls que sont Jay Z ou The Game, pour les plus anciens, notre homme suit un chemin plus tortueux, aux frontières du hip hop, du rock, de l’indus et de la soul. En témoigne ce septième album, où dès le morceau d’ouverture, Coronation as Harness, se baladent des trompettes évoquant le (ba)rock foutraque de Tom Waits.
Saul Williams n’hésite pas à franchir le pas entre chant, spoken word et phrasé purement rap. Offrant ainsi des respirations et un rythme salvateurs.
Sa poésie sombre se conjugue parfaitement aux orchestrations proposées (cette guitare surgissant, rugissant, de loin sur I own the night), l’électronique n’étant pas ici non plus un gros mot (Experiment, l’un des morceaux parmi les plus viscéralement groove et rap du disque, dont la tension rappelle le Born Dead de Body Count).
Il y a le hip hop mainstream, fait de bling, de bitches, de cognac XO et de grosses voitures. Et il y a une conscience politique et musicale. C’est avec bonheur que Saul Williams se range dans cette deuxième catégorie, empruntant aux fondateurs ce qu’il faut pour établir un lien, un héritage. Mais en traçant sa voie propre, hypnotique, et finalement si profondément humaine (before the war, à la rythmique presque tropicale, pour un hit en puissance !). Il flirte même avec la star montante du jazz, Christian Scott, le temps d’un si probable duo.
Saul Williams ne plonge pas dans les tréfonds d’un Dälek, bien plus sombre que lui, mais il nous entraîne dans un voyage vers l’underground, comme un guide ferait visiter les catacombes, pour mieux en ressortir et nous faire apprécier la lumière du soleil.