Avant propos : l’album a été écouté sur plateforme de streaming, pas le temps d’attendre cette fois la version physique. On en fera un édit dès qu’on l’aura eue entre les mains, cette version avec écran LCD, etc.
L’attente aura été longue, 13 ans, depuis 10.000 Days, dernier album du groupe californien. Attente dans la tension depuis l’annonce officielle de la date de sortie de ce nouvel album, ajoutée à la parution online de la première démo (1991) et du premier single.
C’est donc la fébrilité qui l’emporte, au moment d’appuyer sur Play.
Fear Inoculum, ce sont sept titres, et autant le dire, 7 débuts d’albums. Car si Tool ne fait pas dans la quantité, la qualité -elle- est plus que présente.
Dès Fear Inoculum, la chanson, on a compris : on est en territoire à la fois connu et inconnu. Tool ne se dépare pas de ses bases d’inspiration : un duo basse/batterie très en avant, un groove froid et parfois martial, une guitare lancinante et une voix qui plane. Mais Tool, sur ce nouveau disque, nous emmène dans un lieu qu’on a connu, sans pour autant le reconnaître tout de suite. Fear Inoculum avec son intro arabisante impose vite ce qui va suivre : ce mélange si unique, si toolien, d’oppression et d’onirisme.
Maynard Keenan, lui, se pose en leader d’un quatuor de jazz. Les musiciens jouent le thème, le désarticulent, lui font vivre mille circonvolutions. Et lui pose sa voix comme Miles Davis sa trompette, de façon parcimonieuse, juste pour faire évoluer l’histoire. Il y a un génie de l’économie, du conte, chez ce garçon. L’utilisation du vocodeur sur quelques mesures de Invincible est encore un témoignage de son agilité intellectuelle. Car, chose rare aujourd’hui, la voix trafiquée apporte un plus indéniable au morceau !
Rien dans Fear Inoculum n’est pop. Peu est rock. Le metal est là par moments (Pneuma, notamment, sur certains passages du morceau). Mais c’est surtout la notion de progressif, de prog, qui est à l’honneur. Au-delà de Miles Davis cité plus haut, un seul groupe peut être comparé aujourd’hui à Tool, du moins dans la démarche, c’est King Crimson. Dans les deux cas, les morceaux à tiroir sont légion, tout comme les changements de rythme, de genre, d’approche. Tout ça pour mieux dérouter l’auditeur.
Seul des sept morceaux à moins de 10 minutes, c’est le presqu’interlude Chocolate Chip Trip, instrumental mêlé d’électro à faire pâlir un Aphex Twin en personne. Il précède le monument (plus de 15 mn) 7empest, morceau qui donne la nouvelle norme en matière de musique progressive, faisant le lien entre les géants créateurs du genre, King Crimson en tête, et les groupes les plus violents du genre (Meshuggah and co). Il révèle la culture et la beauté vénéneuse de Tool dans son habit le plus glorieux.
Tool signe un nouveau disque très ambitieux, presque trop pour beaucoup d’auditeurs de musique très facile d’accès. Car oui, Fear Inoculum se mérite, se déguste, comme un beau livre de poésie.
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