En 2011, Radiohead s’autoproclamait King Of Limbs, du nom de son album publié cette année-là.
Force est de constater que le vrai roi des limbes s’appelle Justin Broadrick. L’ex Napalm Death et surtout fondateur du tout aussi mythique Godflesh a fait de son side project Jesu l’antithèse absolue de son groupe principal. Avec Jesu, il explore les tréfonds de nos âmes, ces fameuses limbes, et Never y apparait comme son disque le plus abouti. Loin des ambiances indus/shoegaze des débuts, Never est un disque hypnotique, onirique, une plongée dans une sorte de monde parallèle. L’usage de la musique électronique y est parfait, non pas pour donner envie de danser ou créer une ritournelle pop, mais pour créer de véritables couches de sons, comme ont pu le faire en leur temps des groupes comme Tangerine Dream.
Le parallèle avec Radiohead est d’autant moins fortuit ici que Jesu semble prolonger la démarche de recherche de sons uniques du groupe britannique. Kid A ou Amnesiac, voire certains travaux solo de Thom Yorke, apparaissent comme d’intéressants points de départs pour Justin Broadrick, qui donne l’impression d’être allé encore plus loin.
Et les limbes ? Parlons-en, tant Never se révèle être un disque à écouter bien plus qu’à entendre en musique de fond. C’est une expérience en soi que de l’écouter, et de se laisser porter dans une temporalité parallèle. Avec cette impression ouatée de bien-être quasi absolu, et cette très légère sensation de crainte, jamais totalement affirmée, jamais non plus vraiment estompée.
Il n’est pas question ici de chercher telle ou telle influence à la musique de Jesu, tant Justin Broadrick sait aller et venir à sa guise, pour prendre juste un soupçon d’un tel ou d’un autre pour créer la bande son parfaite d’un moment de méditation. C’est en tout cas ce à quoi invitent les 5 morceaux qui créent cette demi heure d’extase sonore. Un mot, enfin, sur les voix. Si elles sont là, elles ne sont absolument pas le centre du propos, intervenant de façon assez parcimonieuse, entre voix masculine et voix féminines, mais le plus souvent sous-mixées par rapport à la musique, lointaines, fantomatiques, et pourtant si réconfortantes.