Le succès des 25 James Bond est lié aussi aux chansons qui l’accompagnent. Retour sur les chansons qui ont fait, ou pas, les films de la saga.
La première chanson apparaît dans From Russia with love. Dr No fait, lui, assez évidemment la part belle au thème créé par Monty Norman, et mis en musique par John Barry.
Nous verrons dans un dernier article les chansons qui auraient pu devenir des Bond-songs, ou inspirées par les films.
Dans ce premier article, place aux chansons des films de la période Sean Connery, incluant le rapide passage de George Lazenby.
Matt Monro – From Russia with love (From Russia with love / 1963)
Pop et jazzy, totalement dans l’air du temps en 1963, alors que les films italiens sont au sommet (La dolce Vita est sortie 3 ans plus tôt). Un air « chic et entraînant », comme dirait l’autre. Mais pas forcément encore une vraie Bond-song. Et la raison est à chercher chez le duo de producteurs Brocoli / Saltzman qui, pour ce deuxième épisode des aventures de leur espion, ont immédiatement rejeté l’idée d’utiliser le thème créé pour James Bond contre Dr. No.
On doit cette chanson au compositeur britannique Lionel Bart, et l’interprétation au chanteur, britannique aussi, Matt Monro, accompagné par John Barry. La chanson sera entendue à la radio, pendant le film, avant d’en être le générique.
Matt Monro avait été une grosse star de la chanson britannique au début des années 50, et l’interprétation de From Russia with love lui permettra de regagner en popularité.
Pour John Barry, grand ordonnateur de la musique bondienne, l’idée était pourtant tout autre. Il avait emmené son équipe à Istanbul, espérant trouver dans la métropole turque, dont les nuits étaient déjà bien réputées quelque inspiration. Il en reviendra « sans rien, sauf quelques histoires ridicules. »
A noter qu’il existe une reprise en allemand de la chanson, intitulée La Volga, par Ruthe Berlé.
Shirley Bassey – Goldfinger (Goldfinger / 1964)
Première chanson interprétée par Shirley Bassey pour la saga James Bond, elle qui en est la recordwoman des interprètes. Au total, elle en chantera trois.
Mais elle n’aurait jamais dû être au micro. Un duo,Leslie Bricusse et Anthony Newley, a été approché pour écrire et interpréter la chanson. Un duo accompagné, assez évidemment par John Barry, interprète du thème de James Bond, et compositeur de cette chanson. Une première session d’enregistrement a lieu, avec la voix d’Anthony Newley. Selon plusieurs sources, cet enregistrement n’était destiné qu’à devenir une démo, l’artiste et son complice refusant d’interpréter cette chanson qu’ils trouvaient « weird ».
John Barry pense alors immédiatement à Shirley Bassey. Il la connait pour avoir été son directeur artistique quelques mois plus tôt, lors d’une tournée. Et pour s’être aussi rapproché d’elle.
L’enregistrement a eu lieu le 20 août 1964 au studio CTS, à Londres. La production a été confiée à George Martin, l’historique producteur des Beatles. Même si la petite histoire voudrait que John Barry ait supervisé le tout. Parmi les musiciens de session pour ce titre, un jeune requin de studio, future star mondiale, le guitariste Jimmy Page (futur Yardbirds, puis Led Zeppelin).
L’enregistrement durera une nuit entière. John Barry demande plusieurs prises, parfois énervé par les musiciens. Mais aussi par Shirley Bassey, longtemps incapable de tenir la dernière note. L’interprète confiera plus tard avoir dû retirer son soutien-gorge pour obtenir la puissance suffisante.
Il y a quelques années, Shirley Bassey a également avoué lors d’une interview pour la BBC avoir toujours trouvé qu’il y avait deux mauvaises notes .
Dans un album publié dans les années 2010 (Hello like Before / 2014), elle estime avoir enfin pu corriger ces deux notes. « C’était probablement moi. Mais maintenant, avec ma voix, nous avons abaissé la chanson, et je ne peux plus entendre ces mauvaises notes – et cela semble si juste, je suis si heureuse que nous ayons pu le faire à nouveau. »
Gros succès aux Etats Unis (plus d’un million de 45T vendus) ou au Japon (n°1), Goldfinger aura plus de mal en Grande Bretagne, seulement 21e des ventes. Mais en 2002, la chanson reviendra dans le coeur des Britanniques. Elle termine 46e d’un sondage de la BBC sur les meilleures chansons des 50 dernières années.
Enfin, plusieurs éléments de la chanson Goldfinger seront repris plus tard, en 1989 dans la chanson Licence to kill, interprétée par Glady Knight.
Tom Jones – Thunderball (Thunderball / 1965)
Après avoir relancé Matt Monro, puis fait appel à Shirley Bassey, les producteurs de James Bond décident pour la première fois de suivre la hype du moment. Ils contactent le chanteur gallois Tom Jones, voix puissante de cette fameuse brit-soul alors balbutiante, qui vient de connaître son premier gros succès It’s not unusual.
Mais ce choix n’allait pas de soi. Shirley Bassey espérait faire la passe de deux, après Goldfinger. Tout comme d’autres candidats très connus, les Américains Dionne Warwick et Johnny Cash.
La première chanson enregistrée sera Mister Kiss Kiss Bang Bang, par Shirley Bassey. Mais les producteurs préférèrent tester une autre voix, et ce fut donc la version de Dionne Warwick.
Colère de Shirley Bassey, qui attaquera alors la production pour ce bilan : aucune des deux versions ne sera utilisée.
C’est donc Tom Jones qui devient l’interprète de la chanson du 4e James Bond. Qui, comme pour les deux précédents films, portera le même titre que l’épisode. Et si le tournage put être mouvementé pour Sean Connery (il s’est retrouvé face à un requin, alors qu’un plexiglas devait l’en protéger), l’enregistrement de la chanson représentera aussi un effort assez incroyable pour Tom Jones. « Pour la dernière note, j’ai fermé les yeux et j’ai tellement poussé que quand j’ai finalement rouvert les yeux j’avais un énorme vertige » !
Nancy Sinatra – You only live twice (On ne vit que deux fois / 1967)
C’est encore le duo Barry / Lecrusse qui est à l’origine de la chanson. Après la puissance Tom Jones, retour à la douceur féminine. Et qui de mieux que Nancy Sinatra, devenue célèbre quelques mois auparavant avec l’iconique These boots are made for walkin’ ? Pourtant, là encore, tout n’était pas joué. L’option première d’Albert Brocoli était bien Sinatra. Mais Franck, le père. Qui conseillera sa fille. Alors que John Barry imaginait la Queen of soul, Aretha Franklin (ce qui rappellera la très potache blague de cour de récréation : comment se serait appelée Aretha Franklin, si elle avait épousé Sean Connery ? Voilà…)
La première version de la chanson est plus orientale (réenregistrée ainsi un peu plus tard par Nancy Sinatra), mais ne convainc pas les producteurs du film. La version définitive, avec ces violons en introduction, deviendra l’un des thèmes les plus connus de la saga James Bond. Elle sera reprise en partie par Robbie Williams dans son hommage à l’agent 007, sur Millenium.
Il existe, rien que pour le film, plusieurs versions, issues d’une trentaine de prises réalisées en studio par Nancy Sinatra. Gros succès critique, la chanson n’ira cependant pas plus haut qu’une 44e place aux USA et une 11e place au Royaume Uni.
L’incartade Lazenby
Louis Armstrong – We have all the time in the world (Au Service Secret de sa Majesté / 1969)
C’est une chanson spéciale, à plusieurs titres, dans l’histoire de l’agent 007. Déjà parce qu’elle n’est pas le thème principal du film, signé aussi John Barry, mais instrumental. Et ensuite, parce que son interprète est déjà une légende.
Pourrait-on parler ici du premier très gros coup des producteurs de James Bond ? Car s’ils ont su s’entourer de jeunes stars jusqu’à présents, avec l’arrivée de Louis Armstrong, dans un film qui doit tenter de faire oublier Sean Connery et imposer un acteur inconnu, George Lazenby, ils signent ici un coup de maître. Satchmo, c’est son surnom, est une légende.
La raison avancée par John Barry est claire. Il est persuadé qu’avec son légendaire sourire et son expérience, Louis Armstrong saura apporter à l’interprétation de la chanson la dose d’ironie qu’elle doit revêtir.
Et aussi, comme avec les interprètes précédents, il surfe sur leur succès, l’immense Armstrong n’ayant eu son seul number one en Grande Bretagne que l’année précédente avec, évidemment, What a wonderful world.
Néanmoins, très malade, il ne pourra que chanter, mais sera hélas incapable de jouer la partie de trompette du morceau composé encore par John Barry et écrit, cette fois, par Hal David (collaborateur Burt Bacharach, avec qui il sera nommé en 1967 à l’Oscar de la meilleure chanson pour… Casino Royale !). La chanson débute par les derniers mots de Bond, après la mort de Tracy.
Interprète légendaire, chanson sublime et… succès en 1994 seulement, après une reprise par le groupe irlandais My Bloody Valentine, et la version originale utilisée au même moment pour une publicité pour la bière. La version de Louis Armstrong sera alors rééditée, et obtiendra enfin le succès qu’elle mérite, 3e des Charts britanniques.
Ironie de la chanson, disait John Barry. Une ironie qui veut que We have all the time in the world était alors la troisième chanson la plus jouée dans les mariages, derrière (Everything I do) I do it for you de Bryan Adams et Close to you des Carpenters… une chanson écrite par Hal David, auteur des paroles de We have all the time in the world. (selon une enquête menée en 2005 à l’occasion du mariage du prince Charles et Camilla Parker Bowles)
Shirley Bassey – Diamonds are forever (Les Diamants sont éternels / 1971)
Le retour de Shirley Bassey au micro, après Goldfinger et son échec pour Thunderball. Plus sensuelle que jamais, la chanteuse galloise interprète cette chanson écrite et composée par le duo Barry/ Don Black, qui lui avait déjà offert Goldfinger.
Une aura de mystère plane dès l’introduction, avant que la pop orchestrale très typée début 70s (Scott Walker et les Walker bros sont notamment passés par là). Shirley Bassey enregistrera dans la foulée une version en italien, Vivo di diamanti.
Pour en savoir plus sur James Bond :
https://jamesbond007.net
https://www.007.com
Puisqu’Alice Cooper voulait chanter 007, retour sur son dernier album en date
http://myskeuds.eu/index.php/2021/02/26/alice-cooper-detroit-stories-hard-rock/
Ne pas oublier que le génie de John Barry ,en plus du talent extraordinaire de mélodiste,c’etait de décliner le thème musical générique tout au long des films avec des tonalités ou rythmes différents en fonction des scènes des films.Et en voyant les films on se rend compte que l’ensemble musical est parfaitement intégré au personnages dont Bond bien sur