Il y a quelque chose de dérangeant à parler de ce « nouvel » album de Miles Davis. Quelque chose, aussi de dérangeant à l’écouter, du reste. Comme l’impression d’avoir profané la tombe d’un roi vaudou.
Rubberband, c’est l’album sur lequel bossait le maître quand la faucheuse a décidé de l’embaucher pour un festival ininterrompu là haut, ou là bas, ou ailleurs. Un disque dont Miles Davis avait du reste donné les contours, dans la foulée de Tutu ou Doo Bop. Il voulait expérimenter les sonorités hip hop comme il avait balancé un immense coup de pied avec Around The Corner et Bitches Brew dans le rock.
Alors oui, les notes égrainées par Miles Davis sur Rubberband font mouche. Evidemment. Surtout quand on est fan. Mais on a le sentiment un peu malsain d’y voir un collage de quelques thèmes assez artificiel, par manque de matériel peut-être. Certains titres nous rappellent Miles (This is it, Maze, fantastique morceau), mais la moitié de l’album fait appel à des vocalistes. Et là, c’est le drame ! C’est la profanation ! C’est l’anathème ! Comment mettre des voix sur la musique de celui dont la trompette était une voix (sa reprise de Time After Time de Cyndi Lauper en fut le plus bel exemple). Au-delà du crime de lèse-majesté, les voix font passer la trompette de Miles Davis pour un simple accompagnement. L’idée de duo, certainement celle à l’origine de ce choix artistique, tombe à l’eau.
Rubberband tel qu’il est présenté aujourd’hui par ses producteurs (dont le neveu de Miles Davis) semble au final n’être qu’une ébauche du grand album qu’il aurait pu être. Le génie s’entend par touches musicales. Mais la production trop moderne et le parti pris d’une collaboration trompette/voix noie bien trop le propos. Et puis, dans les années 90, le mariage jazz/hip hop commençait tout juste à faire son chemin, alors qu’en 2019, c’est un genre devenu si courant que la surprise n’opère plus.
Ici chez Myskeuds, on a eu pour ambition dès le début d’une seule et unique ligne éditoriale : on aime alors on en parle.
Mais il faut des exceptions. Et la bonne moitié de Rubberband est cette exception. Mais pour les deux-trois pépites que l’on suppose, et pour la passion vouée à l’oeuvre de Miles Davis, il nous était impossible de ne pas parler de ce disque.